• Voyage au pays de l'abeille

    Lorsque je vivais à Montréal, j’ai eu la chance de rencontrer et partir en reportage avec de brillants photographes. Parmi eux, Jean-Claude Teyssier, qui malgré vingt ans de vie montréalaise n’a pas quitté son accent du Tarn-et-Garonne. Il illustre Les abeilles et la vie, beau livre paru fin 2013 chez Michel Lafon, avec les textes de Didier Van Cauwelaert.

     

    Passionné par les insectes et fasciné par le travail de Jean-Henri Fabre- à la fois entomologiste et poète- Jean-Claude Teyssier a déjà publié Le Monde des insectes chez Michel Lafon. C'est un gars capable de passer des heures le nez dans l’herbe, dans les écorces d'arbres ou au-dessus d’un point d’eau pour épier les fourmis, les araignées, les mantes religieuses ou les moustiques. Jean-Claude a un oeil, comme on dit en photo, un style qui flirte avec l’art: il révèle ce qui est et qu’on ne voit pas forcément, une nature pas si secrète mais que l’on côtoie sans y prêter attention. Il touche et surtout, il raconte une histoire avec ses photos.

    Son dernier opus a nécessité plus de 7000 clichés, pendant près de six mois. Les abeilles et la vie, c'est un plaidoyer pour l’abeille, menacée, et pour l’homme qui ne pourra jamais vivre sans elle s’il ne veut pas mourir.

    Voyage au pays de l'abeille

    ©Jean-Claude Teyssier

     Comment est née l'idée de ce livre et la collaboration avec Didier Van Cauwelaert?  

    Mon éditrice, chez Michel Lafon, m’a contacté et demandé si je voulais réaliser un livre sur les abeilles. Comme je suis auteur chez eux de livres sur les insectes, ils trouvaient normal que je fasse celui-ci. Didier van Cauwelaert a du être contacté en même temps. Dans une émission sur France Inter, l'écrivain a expliqué que l’éditeur l’aurait appelé en lui disant qu’ils avaient les plus belles photos du monde d’abeilles, alors comment refuser! C’est très flatteur, évidemment.

    Où as-tu fait ton « casting » d'abeilles : dans ton coin natal où tu passe une partie de l’année, du côté de Moissac? Au Québec où tu vis depuis longtemps?

    J’avais déjà fait un reportage sur les abeilles pour le magazine Nature Québec, pour le printemps 2013, car j’avais déjà travaillé sur le sujet. J’ai envoyé à mon éditrice une centaine d’images, pour montrer comment je voyais les choses. Il me fallait ensuite trouver un apiculteur qui accepte d’être suivi tous les jours, et que j’allais certainement déranger pendant son travail. Je m’attendais à pas mal de refus. Après plusieurs coups de fil, j’ai trouvé Joseph Borgnis, apiculteur à Saint-Nazaire-de-Valentane, près de Moissac.

    Une fois sur place, je me suis rendu compte qu’il avait une « gueule », ce qui est encore mieux pour un photographe. On a discuté du projet et il a compris exactement ce que je voulais. Je ne pouvais pas mieux tomber! Cet homme a fait du théâtre amateur et je pense que cela lui a permis de mieux cerner mon travail de photographe. Joseph écrit aussi de la poésie, il a même édité un petit recueil, et surtout, il aime profondément ses abeilles. Et puis j’ai aussi choisi de travailler en France à cause des saisons: les fleurs de printemps éclosent dès le mois de mars, dans le sud, on a pu lancer le projet rapidement.

    Combien de temps as-tu passé le nez dans les ruches pour réaliser  l'ouvrage?

    J'ai travaillé quasiment six mois sur le sujet, en plus des images que j’avais déjàréalisées auparavant. Il y a eu des pluies torrentielles au mois d’avril-mai qui m’ont empêché de travailler pendant plus d’un mois. Gros stress avec mon éditrice, on a eu peur de manquer de temps!

     Qu'est-ce qui a été le plus difficile à photographier?

    Les abeilles ne sont pas faciles à saisir, elles ne sont pas très colorées et elles bougent tout le temps. De plus, comme chacun sait, elles vivent à l’intérieur d’une ruche… Alors il m’a fallu fabriquer une ruche spéciale pour réaliser les images de cette vie cachée. Et une autre encore pour avoir les clichés les plus fidèles des abeilles qui arrivent dans la ruche, pour bien capter leur vol. Quand elles butinent, elles sont rapides, il faut faire beaucoup d’images pour avoir celle qui correspond à ce que l’on recherche. On n’obtient pas toujours le résultat souhaité.

    La difficulté, c’était aussi les conditions de travail: on porte un voile pour éviter les piqûres, mais forcément, on ne voit pas bien avec un filet devant les yeux. Les cadrages sont plus compliqués, j’ai souvent été piqué au visage car je retirais le voile pour mieux apprécier la scène, voir des détails. Les abeilles ont des humeurs, des jours elles sont très patientes, d’autres fois, elles attaquent facilement.

    Voyage au pays de l'abeille

    ©Jean-Claude Teyssier

     Quels ont été les moments les plus agréables pour toi, en tant que photographe et amoureux de la nature, dans ce voyage au pays des abeilles?

    La chance et le privilège d’être dans la nature, et la satisfaction d’avoir réalisé un livre qui, j’espère, aidera les abeilles. C’est bien peu, mais au moins, on en parle. Grâce à cela, des gens peuvent changer leur manière de voir la nature, comprendre qu’il est nécessaire d’utiliser moins de pesticides dans nos potagers et jardins, ou encore laisser un petit coin de nature sauvage pour favoriser la biodiversité et la venue des insectes.

     Que t'ont appris les abeilles pendant la préparation du livre? 

    Qu’il faut effectivement les protéger. Depuis longtemps, j’avais remarqué que les campagnes françaises étaient de moins en moins fleuries. Certaines communes prétendent vouloir protéger les hyménoptères, mais, voilà, avec des broyeurs qui passent sur le bord des routes à longueur de saison, sans parler des prairies qui n’existent quasiment plus, il y a encore du travail pour expliquer que les choses doivent changer ! Sans compter tous les autres pollinisateurs qui disparaissent: papillons, abeilles solitaires… L’abeille, c’est comme une alarme dans la nature, est-ce que l’on entend le signal qui annonce que ça va mal?

     Combien de piqûres, alors…?

    Est-ce que les abeilles sont des animaux domestiques? Je ne suis pas vraiment sûr ! J’ai été piqué à plusieurs reprises. Une fois, j’étais devant ma ruche d’observation et l’apiculteur travaillait un peu plus loin dans le rucher; les abeilles ne m’ont pas épargné, j’ai dû quitter l’endroit en courant! J’avais beau leur dire que le voleur de miel, ce n’était pas moi, c’était l’autre... Rien n’y a fait! Mais bien entendu, je n’avais pas mis ma combi et elles en avaient profité. Une autre fois, je me suis fait piquer par un frelon asiatique, et là, ça fait très mal...

     Les abeilles et la vie, de Didier Van Cauwelaert, photographies de Jean-Claude Teyssier (Ed. Michel Lafon, 2013. 23,95€).

    * À voir: le reportage de France 3 Midi-Pyrénées: Les abeilles et la vie (France 3).

    Voyage au pays de l'abeille

    ©DR

     

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 22 Mai 2014 à 11:01

    Merci pour cet interview. J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer Didier à ce propos est c'est quelqu'un de très chaleureux.

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